"Recherche camping prox. Mer
100/150 emplacements, env. 450. 000 Euros"
Nombreux sont les particuliers qui, après leurs vacances
d'été, souhaitent reprendre un camping, de
préférence dans le Sud de la France, avec
accès direct à la plage et un bon potentiel
de développement… Le tout pour un montant raisonnable.
A croire que l'hôtellerie de plein air est l'Eldorado
de la reconversion professionnelle. A la rédaction
de L'O.T., on ne compte plus les appels téléphoniques,
en particulier en septembre - octobre, d'acheteurs potentiels
qui nous demandent si nous ne connaissons pas un camping
en vente, une bonne "occase". Et ce n'est rien
à côtés des agences immobilières
qui croulent sous les demandes,
"Je reçois entre 1.000 et 1.200 appels par an
d'acheteurs potentiels", explique Sébastien
Cantais, responsable de l'agence Cantais, spécialisée
dans le marché de l'HPA du Sud Est de la France,
Une tendance confirmée par ses collègues.
Le hic ! La demande est très largement supérieure
à l'offre. Et pour cause, l'H.P.A. est un marché
confidentiel, pour ne pas dire un micromarché avec
ses 9.000 établissements classés dont environ
35 % de municipaux.
Peu de terrain en vente
"Il est difficile de dire combien
il y a de campings à vendre à un instant T.
Un terrain peut être annoncé par plusieurs
agence, dans la presse spécialisée et sur
Internet en même temps, tandis que d'autres établissements
ne passent pas par des agences et se vendent sans intermédiaire
et sans que personne ne le sache, explique André
LAUCK, directeur de l'agence C.E.R.I. à BISCAROSSE
(Landes). On peut estimer qu'il existe en permanence environ
deux cents campings à vendre dans toute la France.
Et encore, c'est le grand maximum". Car il est bien
sûr question, ici, des campings qui sont réellement
en vente… Certains gestionnaires n'hésitent
pas, en effet, à passer des annonces et à
contacter des agences immobilières pour mettre leur
établissement en vente avant de se rétracter
le jour où ils trouvent un acquéreur ! La
raison ! Connaître la vraie valeur de leur bien et
non une simple estimation faite par une agence. "Cette
pratique est, hélas, assez courante dans la profession
et elle fausse la photographie du marché", regrette
d'ailleurs un agent immobilier spécialisé
dans l'HPA.
Autant le dire tout de suite, pour acheter un camping, mieux
vaut être motivé. Car si les candidats à
l'achat sont nombreux, les élus sont rares, il n'y
a pas de place pour les rêveur
qui imaginent qu'un hôtel de plein air s'achète
comme un appartement et qui pensent qu'ensuite ils ne travailleront
que trois, voir deux, mois par an. D'ailleurs, nombre d'agents
immobiliers n'hésitent plus à décourager
les acheteurs potentiels en leur expliquant que le travail
au vert ou au bord de la Grande Bleue, ce n'est pas tout
rose.
Et puis surtout, il faut un apport financier important.
"95 % des personnes qui recherchent un camping que
je rencontre n'en auront jamais à cause du prix,
confie André LAUCK. Statistiquement, quelqu'un qui
hésite entre reprendre un bar - tabac, un magasin
de presse et un camping, n'aura jamais un camping."
Des prix surestimés.
Nombreux sont, en effet, les acquéreurs
potentiels qui imaginent que quelques dizaines de milliers
d'euros suffisent pour devenir propriétaire d'un
camping. A tort évidemment. Car les hôtels
de plein air à vendre sont rares et ce qui est rare
est cher. "Même s'il est petit, un camping a
une valeur non négligeable par le seul fait d'exister",
souligne Sébastien CANTAIS. "D'ailleurs,
un terrain qui valait un million d'euros en 1997 en vaut
1,7 million aujourd'hui, même s'il n'a pas évolué"
(…).
Reste que si les campings valent cher par définition,
ils souffrent aussi et surtout de prix surestimés
selon la majorité des agents. "Je pense que
80 % des affaires le sont par rapport à leurs vraies
valeurs", confie André LAUCK. "Il m'est
arrivé de refuser un camping car je l'estimais à
1,4 million d'euros (9 millions de francs), alors que le
propriétaire en voulait 2,2 millions d'euros (14.5
millions de francs)" (…). Et d'ajouter : "Les
campings sont chers, et il ne faut pas croire qu'une catastrophe
du type Erika a entraîné une baisse des prix
à l'époque."
Mais, si certaines agences sélectionnent leurs campings
pour éviter de perdre du temps et de l'argent, d'autres,
en revanche, sont moins scrupuleuses et acceptent de mettre
en avant des terrains surestimés. Et la multiplication
des agences immobilières ces dernières années
n'a en rien modéré les ardeurs de certains
gestionnaires, lesquels veulent évidemment vendre
leur affaire au prix le plus fort. Un prix qu'ils fixent
en fonction du montant du terrain d'un collègue,
lequel a vendu très cher son établissement…
Oubliant au passage que ce collègue n'est pas situé
au même endroit.
Vers la paralysie du marché ?
D'autres additionnent les investissements
réalisés sans tenir compte des amortissements
comptables et de l'état de croissance du terrain.
Mais, en appliquant un coefficient sentimental (attachement
du propriétaire à son terrain) (…).
En attendant, le marché tend à se paralyser,
ce qui explique pourquoi certaines affaires mettent parfois
cinq ans avant de se concrétiser. A la décharge
de nombreux gestionnaires qui estiment eux-mêmes le
montant de leur établissement, les méthodes
de calcul qui permettent dévaluer la valeur d'un
établissement peuvent paraître floues. "Chaque
cas est particulier", affirment d'une même voix
les agents immobiliers. Tout dépend de la situation
géographique du terrain (bord de mer ou intérieur
des terres, proximité ou non d'un site touristique),
du chiffre d'affaires, du nombre d'emplacements, de la répartition
entre le revenu tiré des emplacements et celui tiré
des commerces annexes, du taux d'équipements, etc.
La valeur d'une affaire
Il m'empêche que le prix d'un camping
ne doit pas dépasser quatre fois le montant de son
chiffre d'affaires. "C'est une estimation couramment
avancée par les établissements bancaires (…).
Mais si le terrain se situa à moins d'un kilomètre
du bord de mer sur la façade Atlantique, il prend
20 % de valeur en plus." Pour d'autres spécialistes
du monde du camping, le prix ne doit pas excéder
dix ans de bénéfices reconstitués.
Une chose est sûre : pour le fonds de commerce, il
est utile de distinguer le chiffre d'affaires des emplacements
et des hébergements locatifs de celui des commerces
annexes (bar, épicerie…) qui est moins
important. Quant à la valeur des murs, certains multiplient
par dix la valeur locative annuelle des murs. "Tout
dépend de l'état des voiries, des réseaux
de raccordement, des équipements (espaces aquatique),
de la présence d'une habitation et, bien sûr,
la situation".
Très au fait des prix du marché, les agents
immobiliers affirment être les mieux placés
pour évaluer le montant d'un camping. D'ailleurs,
ils n'hésitent pas à faire état de
transactions entre particuliers qui se sont déroulées
à des prix surévalués, voir grotesques.
"Résultat, nous récupérons régulièrement
des affaires de ce type dans les deux ans qui suivent l'achat
car le repreneur n'arrive plus à joindre les deux
bouts, confie un agent. D'ailleurs, notre rôle, c'est
aussi de conseiller les futurs acquéreurs."
Certaines agences, à l'instar de celle dirigée
par Sébastien CANTAIS à Montpellier,
organisent même des séminaires consacrés
à l'achat d'un camping. Tandis que d'autre évoquent
les conditions d'installation et de vie du futur acquéreur.
"Pour quelqu'un qui reprend un terrain dans un village
isolé, il est important de soulever les questions
périphériques au camping : la maison d'habitation,
l'école la plus proche, les commerces à proximité,
etc. C'est aussi important que la rentabilité du
camping" rappelle André LAUCK. En effet, ils
sont nombreux les "néogestionnaires" de
camping qui revendent leur affaire dans les deux ans parce
qu'ils s'étaient fait une fausse idée du métier
et du mode de vie. "Beaucoup de maris rêvent
d'avoir un camping dans un coin reculé, et dès
le premier hiver, l'épouse déprime pendant
que le mari bricole."
Mieux vaut être riche
Toujours est-il qu'avant de partir à
la recherche d'un camping, il est utile d'avoir un apport
personnel. Pour ne pas dire un gros apport. D'ailleurs,
de plus en plus d'annonces publiées dans la presse
spécialisées précisent le montant minimal
qu'il faut détenir. "Pour acheter, il faut de
l'argent. Et en dessous de 200 000 Euros, ce n'est même
pas la peine de chercher, en tout cas pas dans le Sud",
explique Sébastien CANTAIS. Et l'agent
d'insister : "il faut raisonnablement 40 % d'apport
personnel." Pour Jean-Luc MARTIN la moyenne de l'apport
doit osciller entre 40 et 50 % du prix du camping pour que
le dossier passe auprès des banques. "Cela dépend
aussi de la capacité du futur acquéreur à
convaincre le banquier de sa motivation, de son profil.
Il nous arrive de réaliser des transactions avec
un apport de 610 000 Euros pour un terrain à 1,68
millions d'euros avec un fort potentiel de développement",
tempère-t-il. A contrario : "De plus en plus
de banques refusent de prêter de l'argent quel que
soit l'apport quand le prix du camping est trop élevé.
Elles ne veulent pas prendre de risques. Certes, les dépôts
de bilan sont rares dans la profession, mais je pense que
dans cinq ans, on en verra. Car, depuis quelques années,
deux phénomènes jouent contre les campings
: les mauvaises conditions climatiques l'été
et les catastrophes du type Erika.
Ne pas ignorer les petites affaires
Existe-t-il tout de même de bonnes
affaires ? Oui répondent les spécialistes.
Et il ne faut pas croire qu'en dessous de 100 emplacements,
un terrain n'est pas viable. Se sont souvent les petites
affaires qui permettent de dégager les plus grandes
marges. Mais il est vivement conseillé de reprendre
un camping capable d'évoluer, en particulier en termes
d'emplacements locatifs. Et de s'interroger sur la possibilité
d'une extension. Par ailleurs, certains agents n'hésitent
pas à conseiller de reprendre un terrain en zone
inondable (et dont moins cher), du moins ceux qui sont susceptibles
de l'être tous les quinze ans… !
"L'idéal, c'est d'acheter un camping qui a plusieurs
sources de revenus : un tiers d'emplacements en forfaits
annuels, un tiers de locatifs et un tiers d'emplacements
nus, confie Sébastien CANTAIS. Et
de conclure : "Si le produit est bon, le camping reste
un excellent placement patrimonial qui offre une qualité
de vie incomparable."
CONSEIL POUR REUSSIR SA RECONVERSION
Certes, il n'existe pas de guide du parfait
petit gestionnaire de camping.
Cependant, rappelons que cette profession nécessite
d'avoir plusieurs casquettes.
Pour un couple, l'idéal serait le partage des taches
entre le mari bricoleur et la femme qui tiendrait la comptabilité.
Une expérience dans un commerce est d'ailleurs conseillée.
En outre, être polyvalent est impératif. Savoir
tenir une réception, réparer une fuite d'eau
dans les sanitaires, renseigner les clients sur les activités
à faire dans sa région, embaucher et gérer
du personnel, sont autant de qualités indispensables
pour gérer un hôtel de plein air/ Mas ce n'est
pas tout. Savoir communiquer et promouvoir son établissement
est indispensable . UN camping n'est pas une pharmacie…
Négocier avec des tour - opérateurs, se déplacer
sur un salon pour rencontrer ses clients potentiels et s'intéresser
aux nouvelles technologie (Internet) sont, là encore,
différentes facettes du métier: Entre autres,
il est vivement conseillé de se tenir au courant
des textes réglementaires qui régissent la
profession, De la Réglementation des aires de jeux
en passant par les conditions d'installations des hébergements
locatifs; ou encore les questions qui touchent à
la sécurité des piscines…
Les textes sont nombreux. Et comme chacun sait, nul n'est
sensé ignorer la loi.
Enfin, mieux vaut ne pas avoir peur de la surcharge de travail,
en particulier l'été et avoir un certain sens
des affaires.